Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/209

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maison, — répéta-t-il en se détournant. — Sonia, montre tes jouets, — ajouta-t-il un moment après, et il sortit dans la salle.

Quand il fut sorti, les yeux pleins de larmes, je regardai Katia.

— C’est un si brave ami ! — dit-elle.

Et, en effet, je me sentais rassérénée par la compassion de cet homme étranger et bon.

Du salon on entendait les cris de Sonia et ses jeux avec lui. Je leur envoyai du thé, et on l’entendit s’asseoir devant le piano et les petits doigts de Sonia frapper les touches.

— Maria Alexandrovna ! — fit entendre sa voix, — venez ici jouer quelque chose.

Il m’était agréable qu’il s’adressât à moi si simplement et amicalement. Je me levai et m’approchai de lui.

— Voilà, jouez cela, — ajouta-t-il en ouvrant un cahier de Beethoven sur l’adagio de la sonate Quasi una fantasia. — Voyons comme vous jouez. — Et tenant son verre, il s’en alla au bout du salon.

Je sentis, je ne sais pourquoi, qu’avec lui il était inutile de se faire prier, de dire que je jouais mal. Je m’assis doucement devant le clavier et me mis à jouer comme je le savais, bien que je craignisse son jugement, car je savais qu’il comprenait et aimait la musique. L’adagio était dans le ton des sentiments excités par les souvenirs et la conversation durant le thé, et je crois que je ne le jouai