Quand Katia eut fait coucher Sonia, elle se joignit à nous, et se plaignit à lui de mon apathie dont je n’avais pas parlé.
— C’est la chose principale qu’elle m’a tue, — dit-il en souriant et hochant la tête avec reproche.
— Mais que raconter ? — dis-je. — C’est très ennuyeux et ça passera.
(Maintenant il me semblait en effet que non seulement ça passerait, mais que c’était déjà passé et que même ça n’avait jamais existé.)
— Ce n’est pas bien de ne pouvoir supporter la solitude, — dit-il. — Êtes-vous une demoiselle ?
— Sans doute une demoiselle, — répondis-je, en riant.
— Non, une vilaine demoiselle qui n’est contente que si on l’admire et qui, une fois restée seule, s’affaisse, ne trouvant rien d’agréable pour elle-même. Tout pour l’extérieur et rien pour soi.
— Vous avez une bonne opinion de moi, — dis-je pour dire quelque chose.
— Non, — prononça-t-il, après un court silence, — ce n’est pas en vain que vous ressemblez à votre père. Il y a en vous quelque chose. Et son regard bon, attentif me caressa de nouveau, et me fit joyeusement confuse.
Maintenant seulement je remarquais, à travers la première impression joviale du visage, ce regard qui n’appartenait qu’à lui seul, d’abord serein, puis de plus en plus attentif et un peu triste.