Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la même petite vieille que j’avais toujours vue à chaque office se tenait adossée au mur ; les yeux pleins de larmes, elle regardait l’icône du chœur, serrait ses mains jointes sur son fichu déteint et sa bouche sans dents marmonnait quelque chose. Et tout cela n’éveillait déjà plus ma curiosité, et ne m’était pas proche que par les souvenirs seuls, maintenant, devant mes yeux, tout cela était grand et saint et me semblait plein d’un sens profond. J’écoutais attentivement chaque parole de la prière qu’on lisait. Je cherchais à mettre mes sentiments en harmonie avec elle, et si je ne comprenais pas, je demandais à Dieu de m’éclairer, ou j’inventais une autre prière au lieu de celle que je ne comprenais pas. Quand on lisait les prières de la contrition, je me rappelais mon passé, et ce passé enfantin, innocent, me semblait si noir en comparaison de l’état clair de mon âme, que je pleurais et me faisais horreur. Mais en même temps je sentais que tout cela me serait pardonné et qu’eussé-je même encore plus de péchés, le repentir me serait encore plus doux. Quand le prêtre, à la fin du service disait : « Que la bénédiction de Dieu soit avec vous, » je me figurais éprouver, se communiquant à moi tout d’un coup, un sentiment physique de bien-être ; une lumière, une chaleur quelconque semblait-il, entraient soudain dans mon cœur. L’office était terminé, le prêtre s’avançait vers moi et me demandait s’il ne fallait pas qu’il vînt chez