Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/258

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verses circonstances de famille il l’aimait comme une fille et ne pensait pas la pouvoir aimer autrement.

Il se tut, mais je ne l’interrogeai pas.

— Mais il oublie que B est si jeune, que pour elle, la vie est encore un jouet, — continua-t-il tout d’un coup hâtivement, résolument et sans me regarder, — qu’il est très facile de l’aimer autrement et que cela lui sera agréable, à elle. Et il se trompait, et tout à coup, il sentit qu’un autre sentiment, lourd, pénible comme un remords, se glissait dans son âme et il s’en effraya. Il est effrayé de ce que leurs anciennes relations amicales soient troublées et se décide à partir avant qu’elles ne se détruisent.

Quand il eut dit cela, de nouveau, avec négligence, il se frotta les yeux et les ferma.

— Pourquoi donc craignait-il d’aimer autrement ? — dis-je à peine distinctement, retenant mon émotion ; et ma voix était ferme, mais à lui elle dut paraître plaisante car il reprit d’un ton blessé :

— Vous êtes jeune, moi je ne le suis plus. Vous voulez vous amuser, à moi, il me faut autre chose. Seulement ne jouez pas avec moi, autrement, je m’y laisserai prendre et ce ne sera pas bien, pour vous ce sera honteux.

— C’est A qui dit cela, — ajouta-t-il. — Mais tout cela est sottise et vous comprenez pourquoi je pars. N’en parlons plus je vous prie.