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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/259

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— Non, non, parlons ! — dis-je, et des larmes tremblaient dans ma voix. — L’aimait-il ou non ?

Il ne répondit pas.

— Et s’il ne l’aimait pas, alors pourquoi s’amusait-il avec elle comme avec une enfant ? — prononçai-je.

— Oui, oui, il était coupable — répondit-il en se hâtant et m’interrompant. Mais tout était fini et ils se séparèrent… amis.

— Mais c’est affreux ! N’y a-t-il pas une autre fin ? — prononçai-je d’une voix très basse, et je m’effrayai de mes paroles.

— Oui. — dit-il en tournant vers moi son visage ému. — Il y a deux fins différentes. Seulement, au nom de Dieu, ne m’interrompez pas et comprenez-moi avec calme. Les uns disent, — il se levait et souriait d’un sourire forcé, maladif, — que A devint fou, il aimait follement B et le lui dit… elle ne répondit que par le rire. Pour elle c’était une plaisanterie et pour lui il s’agissait de toute la vie.

Je tressaillis, je voulais l’interrompre, lui dire qu’il n’eût pas à parler ainsi pour moi, mais il m’arrêta en posant sa main sur la mienne.

— Attendez, — dit-il d’une voix tremblante, — d’autres disent qu’elle eut pitié de lui. Elle, la pauvrette, qui ne connaissait pas les hommes, elle s’imagina qu’en effet elle pouvait l’aimer et consentit à devenir sa femme. Et lui le fou, crut que toute sa vie commençait de nouveau, mais elle-même