Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/54

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— Vassili ! donne ici l’isabelle, sans cela on ne les attrapera pas.

Un des postillons, un homme de haute taille, sortit du traîneau, en silence détacha sa troïka, grimpa sur l’un des chevaux et, en brisant la neige, d’un galop inégal, disparut dans la même direction.

Et nous, avec les deux autres troïkas, derrière celle du courrier qui en faisant tinter ses clochettes, au grand trot courait en avant, sans savoir la route nous partîmes plus loin.

— Eh donc ! Attrape ! — dit mon postillon à l’adresse de celui qui courait rattraper les chevaux. — S’il ne va pas droit aux chevaux, alors c’est un cheval de rien, et il nous entraînera là, d’où… l’on ne sortira pas.

Depuis que mon postillon se tenait derrière, il était devenu plus gai et plus causeur que moi, et comme je ne voulais pas encore dormir, naturellement il ne manquait pas d’en profiter. Je commençai à l’interroger : d’où, comment, quoi ? et j’appris bientôt qu’il était de mon pays, de Toula, serf du village Kirpitchnoié, que maintenant, chez eux, ils ont peu de terre, que depuis le choléra, le blé n’a pas donné, que dans sa famille deux frères sont restés, qu’un troisième est parti soldat, qu’ils n’auront pas assez de blé jusqu’à Noël, qu’il travaille chez les autres parce que le frère cadet, marié, est le maître de la maison, que lui-même est veuf, que de leur village,