Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/315

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La petite bavarde ne s’arrêta pas de sitôt. Les paroles coulaient d’elles-mêmes. On voyait qu’elle éprouvait du plaisir à entendre sa voix. Mais Marina tout en sueur près du poêle et qui n’avait pu déplacer le pot de stchi[1], cria après elle !

— Ah ! diable ! Assez bavarder. Quelle vieille faut-il encore nourrir ? On peut à peine rassasier les siens. Que le diable l’emporte ! cria-t-elle au pot, qui faillit tomber en le remuant d’où il était.

Mais se calmant pour le pot, elle se retourna et aperçut Tikhonovna proprette, avec son sac et son habit de campagnarde, qui se signait et saluait du côté des icônes. Aussitôt elle eut honte de ses paroles, et comme remise de ses préoccupations, elle toucha sur sa poitrine les boutons de son corsage, et vérifia s’ils étaient bien boutonnés. Puis elle tira en arrière le nœud du fichu qui couvrait sa tête pommadée et s’arrêta, appuyée sur les pincettes, en attendant le salut de la proprette vieille.

Ayant salué très bas pour la dernière fois, Tikhonovna se tourna et salua de trois côtés.

— Que Dieu vous aide ! Bonjour, — dit-elle.

— S’il vous plaît, petite tante, — fit le tailleur.

— Merci, grand’mère, ôte ton sac. Tiens : ici, ici, dit la cuisinière en désignant le banc où était assis

  1. Stchi : sorte de soupe aux choux.