Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/50

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être recousus. Mais, comme chacun sait, pour les conversations, surtout pour les conversations d’affaires, il n’est pas nécessaire de comprendre tout ce qu’on vous dit, il suffit de se rappeler ce qu’on veut dire soi-même. Ainsi faisait madame.

— Pourquoi ne pas vouloir comprendre, Egor Mikhaïlovitch ? — dit-elle. — Je ne désire pas du tout qu’un Doutlov soit soldat. Tu me connais assez, il me semble, pour savoir que je fais tout ce que je peux pour aider mes paysans et que je ne veux point leur malheur. Tu sais que je suis prête à tout sacrifier pour me débarrasser de cette triste nécessité et ne donner ni Doutlov, ni Khoruchkine. (Je ne sais pas s’il vint en tête à l’intendant que pour se débarrasser de cette triste nécessité il ne fallait pas sacrifier tout, mais seulement trois cents roubles, en tout cas, il pouvait facilement y penser.) Je te dirai simplement une chose : à aucun prix je n’enverrai Polikeï. Lorsqu’après cette affaire de la pendule, qu’il m’avoua lui-même, il me jura en pleurant qu’il se corrigerait, j’ai causé longtemps avec lui, et j’ai vu qu’il était touché et se repentait sincèrement. (« Ah ! elle commence sa chanson », pensa Egor Mikhaïlovitch ; et il se mit à regarder la confiture, qui était mise dans un verre d’eau : est-elle à l’orange ou au citron ?… probablement amère » pensa-t-il). Depuis sept mois il ne s’est pas enivré une seule fois et s’est conduit fort bien. Sa