Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/203

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variée et intelligente. Aux mouvements de la jambe petite, chaussée de souliers à talons, brodés d’argent, à la pression ferme de la main veinée et maigre, se voyait encore, dans le prince, la force tenace d’une verte vieillesse. Après quelques tours, il retira le pied de la pédale, essuya son outil, le mit dans une pochette de cuir attachée au tour, et, s’approchant de la table, il appela sa fille. Il ne bénissait jamais ses enfants, mais en lui présentant sa joue, pas encore rasée aujourd’hui, il prononça sévèrement en la regardant en même temps avec tendresse et attention : « Tu vas bien ? Allons, assieds-toi ! » Il prit le cahier de géométrie, écrit de sa main, et du pied, il approcha sa chaise.

— Pour demain, — dit-il, en cherchant rapidement la page, et en marquant avec l’ongle paragraphe sur paragraphe. La princesse se pencha vers le cahier. — Attends, il y a une lettre pour toi, — dit tout à coup le vieillard en tirant de la pochette attachée à la table une enveloppe écrite d’une main de femme.

En voyant la lettre, le visage de la princesse se couvrit de taches rouges. Elle la prit hâtivement.

— C’est d’Héloïse ? — demanda le prince, en découvrant, par un sourire froid, ses dents jaunâtres mais encore fortes.

— Oui, de la part de Julie, — répondit la princesse en regardant et souriant timidement.