Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/207

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et que je crois voir devant moi quand je vous écris. »

Ayant lu ce passage, la princesse Marie soupira et se regarda dans le trumeau qui était à sa droite. La glace reflétait un corps disgracieux et frêle, un visage maigre. « Elle me flatte, » pensa la princesse. Et se détournant, elle continua sa lecture. Cependant Julie ne flattait pas son amie. En effet, les yeux de la princesse, grands, profonds, rayonnant parfois comme si des rayons de chaude lumière jaillissaient d’eux, étaient si beaux, que très souvent, malgré la laideur de tout son visage, ses yeux devenaient plus attrayants que toute beauté. Mais la princesse n’avait jamais vu la bonne expression de ses yeux, l’expression qu’ils prenaient quand elle ne pensait pas à elle. Comme chez tout le monde, son visage prenait une expression artificielle aussitôt qu’elle se regardait dans un miroir. Elle continua de lire :

« Tout Moscou ne parle que de guerre. L’un de mes deux frères est déjà à l’étranger, l’autre est avec la garde, qui se met en marche vers la frontière. Notre cher empereur a quitté Pétersbourg, et, à ce qu’on prétend, compte lui-même exposer sa précieuse existence aux chances de la guerre. Dieu veuille que le monstre corsicain, qui détruit le repos de l’Europe, soit terrassé par l’aigle que