Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/447

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sourcils, non pas tant contre le capitaine que contre les siens, parmi lesquels on entendait surtout Jerkov. Maintenant, en présence de ses chefs, Touchine se représentait pour la première fois toute l’horreur de son crime et la honte d’avoir, lui vivant, perdu deux canons. Il était si ému jusqu’alors, qu’il n’avait pas eu le temps de penser à cela. Le rire des officiers le troublait encore davantage. Il était devant Bagration, sa lèvre inférieure tremblait ; il prononça à peine :

— Je ne sais pas… Excellence… Il n’y avait pas assez d’hommes, Excellence.

— Vous pouviez prendre des troupes de couverture ?

Touchine ne répondit pas qu’il n’avait pas de troupes de couverture, bien que ce fût la vérité. Il craignait, disant cela, de compromettre un autre chef, et, en silence, les yeux immobiles, il regardait droit dans le visage de Bagration, comme regarde dans les yeux de l’examinateur, l’écolier qui ne sait que répondre.

Le silence fut assez long. Le prince Bagration qui, visiblement, ne désirait pas être sévère, ne savait que dire ; les autres n’osaient se mêler à la conversation. Le prince André regardait Touchine à la dérobée et ses mains s’agitaient nerveusement.

— Excellence, — fit le prince André de sa voix brève, rompant le silence. — Vous avez daigné