Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/59

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Pierre s’assit sur le divan, les jambes croisées.

— Croiriez-vous que je ne le sais pas encore ; ni l’un ni l’autre ne me plaît.

— Mais il faut se décider à quelque chose. Ton père attend.

À l’âge de dix ans, Pierre avait été envoyé à l’étranger avec un abbé-gouverneur, et il y était resté jusqu’à vingt ans. Quand il revint à Moscou, le père congédia l’abbé et dit au jeune homme : « Maintenant va à Pétersbourg, regarde et choisis, je consentirai à tout ; voilà une lettre pour le prince Vassili et voici de l’argent, écris-moi tout, je t’aiderai en tout. » Depuis trois mois, Pierre s’occupait du choix d’une carrière et ne décidait rien. C’est de ce choix que lui parlait le prince André. Pierre se frotta le front.

— Mais il doit être maçon, — dit-il en pensant à l’abbé qu’il avait vu à la soirée.

— Tout cela c’est chimère — l’arrêta de nouveau le prince André, — parlons plutôt de tes affaires. As-tu été à la garde à cheval ?…

— Non, je n’y suis pas allé ; mais voici ce qui m’est venu en tête, et ce que je voulais vous dire : maintenant il y a la guerre contre Napoléon ; si c’était la guerre pour la liberté, je comprendrais, et je serais le premier à entrer dans l’armée, mais aider l’Angleterre et l’Autriche contre le plus grand homme qui soit au monde… ce n’est pas bien.

Le prince André haussa seulement les épaules