Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/173

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village Schlapanitz, à la hauteur où se tenait Napoléon entouré de ses maréchaux, il faisait tout à fait clair.

Au-dessus de lui s’étendait le ciel bleu, et l’énorme disque solaire, comme un formidable claveau rouge-vif, se balançait à la surface de l’immensité lactée du brouillard.

Non seulement toutes les troupes françaises, mais Napoléon lui-même avec son état-major, se trouvaient, non de l’autre côté de la rivière et des villages Sokolnitz et Schlapanitz, derrière lesquels nous avions l’intention de prendre position, mais de ce côté, si près de nos troupes que Napoléon pouvait, à l’œil nu, distinguer dans notre armée, un cavalier d’un fantassin. Napoléon était un peu en avant de ses maréchaux, sur un petit cheval arabe gris, en capote bleu foncé, celle qu’il portait pendant la campagne d’Italie. Silencieux, il regardait les collines qui se profilaient dans la masse du brouillard et sur lesquelles, au loin, remuaient les troupes russes, et il écoutait les sons de la fusillade dans les ravins. À ce moment, pas un seul muscle de son visage maigre ne tressaillait. Ses yeux brillants étaient fixes, immobiles sur un point. Ses prévisions étaient justes. Une partie des troupes russes descendaient déjà dans la vallée, vers les étangs et les lacs, une autre partie quittait les hauteurs de Pratzen qu’il avait l’intention d’occuper et qu’il considérait comme la clef de la position. À