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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/231

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mouvement, chaque parole, chaque regard, et ne détachaient pas de lui des yeux enthousiastes et amoureux. Les frères et les sœurs se chicanaient pour les places, se les chipaient pour être plus près de lui, et se battaient pour l’honneur de lui apporter du thé, un mouchoir, du tabac.

Nicolas était très heureux de l’affection qu’on lui témoignait, mais au premier moment de la rencontre, il était si heureux que son bonheur actuel lui semblait encore peu et qu’il attendait encore et encore quelque chose.

Le lendemain, après la route, les voyageurs dormirent jusqu’à dix heures du matin.

Dans la chambre voisine, de tous côtés traînaient des sabres, des gibernes, des havresacs, des valises ouvertes, des bottes sales. Deux paires cirées et éperonnées venaient d’être placées près du mur. Les serviteurs apportaient les lavabos, l’eau chaude pour la barbe, les habits brossés. Ça sentait le tabac et l’homme.

— Hé ! G’ichka ! la pipe ! cria la voix rauque de Vaska Denissov. ’ostov, lève-toi !

Rostov, en frottant ses yeux collés, releva ses cheveux aplatis dans l’oreiller chaud.

— Eh bien ! Est-il tard ?

— Il est tard. Neuf heures passées, — répondit la voix de Natacha. Et, dans la chambre voisine, on entendait le froufrou de jupes empesées, le chuchotement, les rires et les voix des jeunes