Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/254

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le premier. Il marchait sur le parquet de la salle de réception avec timidité et gaucherie, embarrassé de ses mains. Il lui était plus habituel et plus facile de marcher sous les balles, dans un champ labouré, comme devant le régiment de Koursk à Schœngraben. Les membres du comité du club le rencontrèrent près de la première porte. On lui exprima en quelques mots la joie de voir un hôte si cher, et, sans attendre la réponse, comme l’accaparant, ils l’entourèrent et le conduisirent au salon. À la porte du salon il était impossible de passer à cause des membres du club et des invités qui se bousculaient et, à travers les épaules les uns des autres, tâchaient de voir Bagration, comme s’il eût été une bête rare. Le comte Ilia Andréiévitch, le plus énergique de tous, en riant et disant : « Laisse, mon cher, laisse passer », poussa la foule, conduisit l’hôte au salon et le fit asseoir sur le divan du milieu. Les gros bonnets, les membres les plus honorables du club entouraient les nouveaux venus.

Le comte Ilia Andréiévitch se frayant de nouveau un chemin à travers la foule sortit du salon, et, une minute après, il parut avec un autre organisateur portant un grand plateau d’argent qu’il présenta à Bagration. Sur ce plateau se trouvaient des vers composés en l’honneur du héros. En voyant le plateau Bagration regarda effrayé et parut chercher de l’aide. Mais tous les yeux l’engageaient à s’y