Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/365

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mement décidé à entrer dans notre corporation, vous devez tout supporter avec courage.

Pierre répondit d’un signe de tête affirmatif.

— Quand vous entendrez frapper à la porte, enlevez votre bandeau, ajouta Villarsky ; je vous souhaite bon courage et succès. Et serrant la main de Pierre, Villarsky sortit.

Resté seul, Pierre continuait de sourire de la même façon. Deux fois il leva les épaules, approcha la main du mouchoir, comme s’il voulait l’enlever ; mais il la rabaissait. Les cinq minutes pendant lesquelles il avait les yeux bandés lui semblaient une heure. Ses bras s’alourdissaient ; ses jambes tremblaient, il se sentait fatigué. Il éprouvait les sensations les plus complexes et les plus diverses. Il avait peur de ce qui allait lui arriver et encore plus de montrer sa peur. Il était curieux de savoir ce qui allait advenir, ce qu’on allait lui révéler. Mais il était encore plus joyeux d’être parvenu à ce moment où enfin il entrerait dans la voie de la rénovation, de la vie active, vertueuse, à laquelle il rêvait depuis sa rencontre avec Ossip Alexiévitch. Des coups vigoureux retentirent à la porte. Pierre ôta le bandeau et regarda autour de lui. La chambre était toute noire, seulement dans un endroit une veilleuse brillait dans quelque chose de blanc. Pierre s’approcha et vit que la veilleuse était posée sur une table noire où se trouvait un livre ouvert.