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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/423

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venait tout à fait à cette impression philanthropique qu’il avait en quittant Pétersbourg. Il écrivit une lettre enthousiaste au frère précepteur, comme il appelait le grand-maître.

— « Comme c’est facile ! Comme il faut peu d’efforts pour faire beaucoup de bien, pensait Pierre, et comme nous nous en soucions peu ! »

Il était heureux de la reconnaissance qu’on lui avait témoignée, mais il avait honte en l’acceptant. Cette reconnaissance lui rappelait qu’il pouvait faire beaucoup plus pour ces gens simples et bons.

L’intendant en chef, un homme sot mais rusé, comprenait bien le comte, intelligent mais naïf, et voyant l’effet qu’avaient produit sur Pierre les moyens employés, il en joua comme d’un joujou et s’adressa à lui, plus résolument que jamais, en insistant sur l’impossibilité et principalement l’inutilité de l’émancipation des paysans qui se trouvaient, sans cela, tout à fait heureux.

Pierre, au fond de l’âme, consentait avec l’intendant qu’il était difficile de s’imaginer des hommes plus heureux, que Dieu seul sait ce que leur apporterait la liberté, bien que, malgré lui, Pierre insistât sur ce qu’il considérait comme juste. L’intendant promit de faire tout son possible pour amener la réalisation du désir du comte, car il savait bien que le comte ne pourrait jamais contrôler non seulement si toutes les mesures étaient prises