Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/436

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— Mais qui est-ce qui vous pousse à de pareilles idées ? Vous voulez donc rester assis sans vous mouvoir, sans rien entreprendre…

— La vie ne laisse pas tranquille. Je serais content de ne rien faire, mais voilà, d’un côté la noblesse du pays m’a fait l’honneur de m’élire son chef, j’ai eu peine à m’en débarrasser. Ils ne pouvaient comprendre que je n’ai pas en moi ce qui est nécessaire : il n’y a pas cette banalité, cette bonhomie nécessaires pour cela. Ensuite, il m’a fallu construire cette maison, pour avoir un coin où être tranquille. Maintenant, c’est la milice.

— Pourquoi ne servez-vous pas dans l’armée ?

— Après Austerlitz, non, merci, répondit le prince André d’un air sombre. Je me suis donné la parole de ne pas servir dans l’armée active russe je ne servirai pas ; et même si Bonaparte était ici, à Smolensk et menaçait Lissia Gorï, je ne servirais pas dans l’armée russe. Eh bien, je te disais, — continua le prince André en se calmant, — maintenant on recrute la milice, mon père est chef de la troisième région et le seul moyen de me débarrasser du service, c’est d’être auprès de lui.

— Alors, vous servez ?

— Je sers.

Il se tut un moment.

— Alors, pourquoi servez-vous ?

— Voici. Mon père est un des hommes les plus remarquables de son siècle. Mais il devient vieux,