Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

encore quelque chose de plus, sinon que ce sentiment ne disparût jamais. Je me sentais heureux. Mon cœur palpitait comme un pigeon captif, le sang y affluait sans cesse et je voulais pleurer.

Quand nous passâmes le couloir, devant le cabinet noir, au-dessous de l’escalier, je le regardai et pensai : Quel bonheur ce serait de pouvoir vivre des siècles avec elle, dans ce cabinet noir, sans que personne sache que nous y sommes.

— C’est très gai aujourd’hui, n’est-ce pas ? – dis-je d’une voix basse et tremblante, en pressant le pas, effrayé moins de ce que je disais que de ce que j’avais l’intention de dire.

— Oui… beaucoup ! — répondit-elle, en tournant sa tête vers moi, avec une expression si franche, si bonne, que je cessai d’avoir peur.

— Surtout après le souper… Mais si vous saviez combien j’ai de peine (je voulais dire de tristesse, mais je n’osais pas) que vous partiez bientôt et de ne plus vous revoir.

— Pourquoi ne nous verrons-nous plus ? — dit-elle en regardant fixement le bout de ses petits souliers et en faisant glisser son petit doigt sur un paravent en grillage devant lequel nous passions. Chaque mardi et chaque vendredi je vais avec maman au boulevard Tverskoï. Est-ce que vous n’allez pas vous promener ?

— Nous demanderons certainement à y aller