Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ses petits doigts roses, une petite ouverture près de la bouche, elle aurait étouffé ; et j’ai vu comment en descendant l’escalier avec sa mère elle se tourna vers nous, fit un signe de tête et disparut derrière la porte.

Volodia, les Ivine, le jeune prince et moi étions tous amoureux de Sonitchka, et, restant sur l’escalier, nous la suivions des yeux. À qui, de préférence, a-t-elle fait le signe de tête, je ne sais, mais en ce moment j’étais fermement convaincu qu’il s’adressait à moi.

En disant adieu aux Ivine, je parlai très librement, même un peu froidement à Sérioja, et lui serrai la main. S’il comprit que de ce jour il avait perdu mon amour et son pouvoir sur moi, il le regretta assurément, bien qu’il s’efforçât de se montrer indifférent.

Pour la première fois de ma vie je trahissais mes affections, et pour la première fois aussi j’en sentais la douceur. Il m’était agréable de remplacer l’ancien sentiment de dévouement coutumier par le sentiment nouveau d’un amour plein de mystère et d’incertitude. En outre, à la fois cesser d’aimer et aimer de nouveau, c’est aimer deux fois plus qu’auparavant.