Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/236

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tendre. « Quelle marchandise ? » interroge Vassili, en croisant l’autre charrette, dont le siège est occupé par un autre cocher, allongé sous une natte neuve. Une tête blonde, au visage rouge, à la petite barbiche rousse, sort pour un moment de dessous la natte, regarde notre britchka d’un œil indifférent, méprisant, et se cache de nouveau. Et je pense que probablement ces cochers ne savent pas qui nous sommes, d’où nous venons et où nous allons…

Pendant près d’une heure et demie, plongé en diverses réflexions, je ne remarque pas les numéros marqués sur les bornes de la route. Mais voilà le soleil qui commence à chauffer davantage ma tête et mon dos ; la route devient plus poussiéreuse ; la couverture triangulaire de la boîte à thé commence à m’incommoder fortement. Je change de position : j’ai trop chaud, je suis mal à l’aise, ennuyé. Toute mon attention se fixe sur les poteaux et sur les chiffres qu’ils portent. Je fais divers calculs mathématiques sur le temps qu’il nous faut pour arriver à la station. « Douze verstes sont le tiers de trente-six, et jusqu’à Lipetz il y a quarante et une verstes, alors nous avons un tiers, moins combien ? » etc.

— Vassili, — dis-je, quand je remarquai qu’il s’endormait sur le siège, — laisse-moi sur le siège, mon cher.

Il y consent, nous changeons de place ; aussi-