Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/41

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mande, puis, s’approchant de moi, il s’assit près de mes pieds et tira sa tabatière de sa poche. Je faisais semblant de dormir. Karl Ivanovitch commença par prendre une prise, puis s’essuya le nez, secoua ses doigts, et alors seulement il s’occupa de moi. Il se mit à me chatouiller la plante des pieds, et avec de petits rires : — Nun, nun, Faulenzer ![1] — dit-il.

Quelle que fût ma peur d’être chatouillé, je ne sortis pas de mon lit et je ne lui répondis pas, mais seulement, j’enfoncai encore davantage ma tête sous mes oreillers, j’envoyai des coups de pied de toutes mes forces, et fis tous mes efforts pour ne pas rire.

— Comme il est bon, comme il nous aime, comment ai-je pu en penser tant de mal !

J’en voulais à moi-même et à Karl Ivanovitch, à la fois je voulais rire et pleurer : mes nerfs étaient agacés.

Ach, lassen sie, Karl Ivanovitch ![2] — criai-je les yeux pleins de larmes, en sortant ma tête de dessous les oreillers.

Karl Ivanovitch, étonné, laissa tranquille la plante de mes pieds et me demanda avec inquiétude ce que j’avais, si j’avais fait un mauvais rêve ?… Sa bonne figure allemande et l’em-

  1. Allons, allons, paresseux !
  2. Ah ! laissez, Karl Ivanovitch !