Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/147

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veux-tu maintenant tourmenter ta famille, tes enfants ? Qu’ils grandissent tranquillement et, ensuite, ils agiront comme ils voudront.

L’homme marié se tut ; mais un monsieur âgé, qui était présent, intervint pour lui.

— Admettons, dit-il, qu’un homme marié, qui a accoutumé sa famille à une certaine aisance, ne puisse pas, tout d’un coup, l’en priver. Il est vrai que si l’éducation des enfants est déjà commencée il vaut mieux la terminer que de tout briser, d’autant plus que les enfants, une fois grands, choisiront eux-mêmes la voie qu’ils trouveront la meilleure. Je reconnais que pour un homme marié il est difficile, impossible même, de changer entièrement sa manière de vivre, sans commettre de péchés, tandis qu’à nous, c’est Dieu même qui l’ordonne. Ainsi moi, je vis maintenant affranchi de tout devoir, je ne vis, à vrai dire, que pour mon ventre : je mange, je bois, je ne fais rien, et je suis dégoûté de moi-même. Pour moi, il est temps de renoncer à cette vie, de distribuer mes richesses et au moins à la veille de la mort, de vivre comme Dieu l’ordonne, de vivre en chrétien.

Mais on ne fut pas de l’avis du vieillard. Il y avait là sa nièce, sa filleule, dont il avait tenu tous les enfants sur les fonts baptismaux et auxquels il faisait des cadeaux à chaque fête ; et son fils était également présent. Tous se mirent à lui faire des objections.