Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/165

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pensée fut d’invoquer le secours de la déesse. Mais il ne croyait plus aux dieux et savait qu’on ne peut attendre d’eux aucun soulagement. Alors à qui s’adresser ? Il lui semblait étrange d’être forcé de réfléchir lui-même à sa situation. Dans son âme il n’y avait que trouble et ténèbres. Cependant il n’avait d’autre ressource que de rentrer en lui-même et d’interroger sa conscience sur tous les principaux actes de sa vie. Tout lui parut mauvais et principalement sot. Pourquoi se tourmenter autant ? Pourquoi avait-il perdu ses jeunes années ? Il y avait peu de joies et beaucoup de chagrins et de malheurs. Le pire c’est qu’il se sentait seul. Jusqu’à ce jour il avait eu une mère aimante, un père affectueux, même des amis ; maintenant il se trouvait seul ; personne ne l’aimait ; il était à charge à tout le monde ; il n’était qu’un obstacle dans la vie de chacun ; il avait mis le désaccord entre son père et sa mère ; il avait gaspillé les richesses que son père avait amassées par toute une vie de labeur ; pour ses amis il était devenu un rival dangereux et désagréable. Eux tous, probablement, désiraient sa mort.

En se remémorant sa vie il se rappela Pamphile, sa dernière rencontre avec lui et son invitation à venir chez les chrétiens ; et il lui passa en tête de ne pas rentrer à la maison, mais d’aller directement chez les chrétiens et de demeurer avec eux. « Ma situation est-elle donc si désespérée ? » se