certain, mais en tout cas j’ai comme toi l’avantage important d’être plus difficile à acheter. Plus que jamais, les hommes de cette trempe-là sont nécessaires. »[1]
Wronsky l’écoutait attentivement, moins à cause de ses paroles que parce qu’il comprenait la portée des vues de son ami ; tandis que lui-même ne tenait encore qu’aux intérêts de son escadron, Serpouhowskoï envisageait déjà la lutte avec le pouvoir, et se créait un parti dans les sphères officielles. Et quelle force n’acquerrait-il pas avec sa puissance de réflexion et d’assimilation, et cette facilité de parole, si rare dans son milieu ?
Quelque honte qu’il en éprouvât, Wronsky se surprit un mouvement d’envie.
« Il me manque une qualité essentielle pour parvenir, répondit-il : l’amour du pouvoir. Je l’ai eu, et l’ai perdu.
— Je n’en crois rien, dit en souriant le général.
— C’est pourtant vrai, « maintenant » surtout, pour être absolument sincère.
— « Maintenant », peut-être, mais cela ne durera pas toujours.
— Cela se peut.
— Tu dis « cela se peut », et moi je dis « certainement non », continua Serpouhowskoï, comme s’il eût deviné sa pensée. C’est pourquoi je tenais à causer avec toi. J’admets ton premier refus, mais je te demande pour l’avenir carte blanche. Je ne joue pas au protecteur avec toi, et cependant pourquoi
- ↑ Note 11 : En français dans le texte.