Page:Tolstoï - Carnet du Soldat, trad. Bienstock.djvu/12

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affiché dans toutes les casernes et que tu as lu souvent, il est dit comment les soldats peuvent tuer des hommes : « Si trois se jettent sur toi, perce le premier, tue le deuxième à coups de fusil, enfonce la baïonnette dans le troisième… Si la baïonnette se brise, frappe de la crosse ; si tu ne peux pas par la crosse, frappe à coups de poing ; si les poings sont fatigués, mords à pleines dents[1] ».

On te dit que tu dois tuer parce que tu as prêté serment, et que les chefs seront responsables et non toi du meurtre que tu commettras. Mais avant de prêter serment, c’est-à-dire avant d’avoir promis aux hommes de faire leur volonté, déjà tu étais obligé sans serment, de remplir en tout la volonté de Dieu, de celui qui t’a donné la vie, et Dieu ne t’ordonne pas de tuer.

Ainsi, tu ne pouvais nullement prêter serment de faire tout ce que les hommes t’ordonneront. C’est pourquoi, dans les évangiles (Matthieu, V, — 34), il est dit explicitement : « Ne jurez point du tout… » « … Mais que votre parole soit : oui, oui ; non, non ; ce qu’on dit de plus vient du malin. » La même chose est dite dans l’épître de Jacques, V, — 12 : « … Mes frères, ne jurez point ni par le ciel, ni par la terre… etc. » Ainsi le serment lui-même est un péché, et ils mentent

    les querelles, la colère, la haine, la cruauté. Mais ne pèche point contre le vie commandement celui qui tue l’ennemi à la guerre, parce que par la guerre, nous défendons la Religion, l’Empereur et la Patrie. »

  1. « Manuel du Soldat. Recueil Dragomirov ; 19e édition, Berezovsky, Saint-Pétersbourg, rue Kolokolnaia, no 14, 1899. (Voir l’appendice).