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Page:Tolstoï - Carnet du Soldat, trad. Bienstock.djvu/25

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qu’ils étaient nécessaires pour opprimer et écraser leurs propres compatriotes — c’était bien alors, de revêtir l’uniforme chamarré de broderies, de marcher en frappant du sabre et en faisant sonner les éperons, de galoper devant le régiment en se croyant le héros qui, s’il n’a pas encore sacrifié sa vie pour la défense de sa patrie, est prêt à le faire. Mais maintenant que de fréquentes relations internationales — commerciales, sociales, scientifiques, artistiques — ont tellement rapproché les peuples entre eux, que chaque guerre entre les peuples contemporains se présente comme une querelle de famille qui brise les liens humains les plus sacrés, quand des centaines de sociétés de paix et des milliers d’articles de journaux, spéciaux et autres, sans cesse expliquent de toutes façons la folie du militarisme et la possibilité, la nécessité même de détruire la guerre ; maintenant que — et c’est le principal — de moins en moins souvent, les militaires sont forcés de repousser des ennemis extérieurs, ou de repousser les attaques des conquérants, ou d’augmenter la gloire et la puissance de leur patrie, mais de se battre contre les ouvriers des fabriques, sans armes, ou contre les paysans ; maintenant, dis-je, caracoler sur un cheval en uniforme galonné, ou marcher élégamment devant une compagnie de soldats, ce n’est plus déjà de l’ambition vaine et excusable comme avant, mais quelque chose de tout à fait différent.

Dans le vieux temps, du temps de Nicolas Ier par exemple, personne ne songeait que les troupes sont surtout nécessaires pour tirer sur les habitants sans armes. Et maintenant, dans les capitales