Page:Tolstoï - De la vie.djvu/13

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dre d’importance (tel raisonnement doit venir en premier lieu, tel autre en second lieu, en troisième lieu, en dixième lieu et ainsi de suite) ; tandis que l’activité non rationnelle se compose de raisonnements sans ordre. Il faut lui prouver aussi que l’établissement de cet ordre n’est pas fortuit, mais qu’il dépend du but auquel tendent tous les raisonnements.

C’est le but de tous les raisonnements qui doit fixer l’ordre dans lequel les raisonnements particuliers doivent être rangés pour être sensés.

Tout raisonnement sans lien avec le but commun de tous les raisonnements est absurde, quel que logique qu’il soit en lui-même.

Le but du meunier est d’obtenir une bonne mouture, et ce but, s’il ne le perd pas de vue, détermine l’ordre certain dans lequel doivent se succéder les raisonnements sur les meules, les roues, la digue et la rivière.

Sans cette adaptation au but final, les raisonnements du meunier, quoique logiques et éloquents qu’ils soient, seront faux et surtout inutiles ; ils ressemblent à ceux de Kyphe Makëitch, du fameux personnage de Gogol qui calculait de quelle grosseur serait la coque d’un œuf d’éléphant, si les éléphants pondaient des œufs comme les oiseaux. Tels sont, à mon avis, les raisonnements de notre science contemporaine sur la vie.