Page:Tolstoï - De la vie.djvu/87

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Les hommes de notre siècle éprouvent un désespoir analogue, aux premiers symptômes de leur réveil à la vraie vie humaine. L’homme en qui s’est éveillée la conscience réfléchie, mais qui envisage encore sa vie à un point de vue individuel, se trouve dans le même état douloureux qu’un animal qui, faisant consister sa vie dans le mouvement de la matière, ne voudrait pas reconnaître la loi à laquelle est soumise son individualité et ne concevrait sa vie que comme la soumission aux lois de la matière, dont l’exécution a lieu à son insu. Cet animal éprouverait intérieurement une cruelle contradiction et un dédoublement. En ne se soumettant qu’aux lois de la matière, il croirait que sa vie consiste à rester couché et à respirer, tandis que son individualité exigerait autre chose : la nutrition et la reproduction de l’espèce ; alors, cet animal croirait éprouver un dédoublement et une contradiction. La vie, selon lui, consisterait à obéir aux lois de la pesanteur, c’est-à-dire à ne pas se mouvoir, à rester couché et à se soumettre aux réactions chimiques qui se produisent dans le corps, —