Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/87

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prenait, et cependant affirmait son dévouement. Les yeux de Hadji Mourad disaient que le vieux devrait penser à la mort et non à la guerre, mais qu’il était rusé bien que vieux et qu’il fallait être prudent avec lui. Et Vorontzoff le comprenait et néanmoins disait à Hadji Mourad ce qu’il estimait nécessaire pour la réussite de la guerre.

— Dis-lui, disait Vorontzoff à l’interprète — il tutoyait tous les jeunes officiers — dis-lui que notre empereur est aussi gracieux que puissant, et que, probablement, sur ma demande, il pardonnera et l’acceptera à son service. As-tu traduit ? demanda-t-il, regardant Hadji Mourad. — Dis-lui qu’en attendant la décision gracieuse de mon empereur, je prends sur moi de le recevoir et de lui faire le séjour chez nous aussi agréable que possible.

Hadji Mourad, de nouveau, porta les mains à sa poitrine, et se mit à dire quelque chose avec animation. Il disait, comme traduisit l’interprète, que même avant, quand il commandait en Abazie, en 1839, il avait servi fidèlement la Russie et ne l’eût jamais trahie si son ennemi Akhmet Khan, qui voulait le perdre, ne l’avait calomnié devant le général Klugenau.

— Je sais, je sais, dit Vorontzoff — bien que si jamais il l’avait su, il l’avait oublié depuis longtemps. — Je sais, dit-il en s’asseyant et indiquant à Hadji Mourad le divan, près du mur. Mais Hadji Mourad ne s’assit point, il leva ses fortes épaules, en signe qu’il n’osait s’asseoir en présence d’un homme aussi considérable.