Page:Tolstoï - La Famine, 1893.djvu/270

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mangé : nous avons vendu le dernier mouton ! Que faire ? C’est la fin des fins ! »

Ici, si honteux que je sois de l’avouer, nous sommes tellement importunés par les cris de ces malheureux que nous finissons par les considérer comme des ennemis.

Je me lève de très bon matin ; une claire matinée de gelée blanche, un beau lever de soleil ; je descends dans la cour ; la neige craque sous mes pas. J’espère ne rencontrer personne encore et pouvoir me promener à l’aise. À peine ai-je eu le temps d’ouvrir ma porte que déjà deux pauvres diables sont là qui me guettent : l’un, grand gaillard, large d’épaules, vêtu d’une peau de mouton déchirée et trop courte, chaussé d’espadrilles éculées, la face ravagée par la fatigue, porte un sac en bandoulière. L’autre,