Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Pavlovsky.djvu/180

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quelqu’un et tu dirais qu’il feint ! Maintenant je t’ai compris, c’est là ce que tu veux. — Oh ! si tu crevais ! » criai-je.

Je me souviens combien cette terrible phrase m’épouvanta. Jamais je n’avais pensé que je pourrais prononcer des paroles aussi brutales, aussi effroyables, et je fus stupéfait de ce qui venait de m’échapper. Je m’enfuis dans mon cabinet, je m’assieds et je fume. J’entends qu’elle sort dans l’antichambre et s’apprête à partir. Je lui demande : « Où vas-tu ? » Elle ne répond pas. « Et bien ! que le diable l’emporte ! » me dis-je à moi-même en revenant dans mon cabinet où je me recouche et fume derechef. Des milliers de plans de vengeance, de moyens de me débarrasser d’elle, et comment arranger cela et faire comme si rien n’était arrivé. Tout cela me passe par la tête. Je pense à ces choses et je fume, je fume, je fume. Je songe à la fuir, à m’échapper, à m’en aller en Amérique. J’arrive jusqu’à rêver combien, après m’être débarrassé d’elle, ce sera beau, combien j’aimerai une