Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/133

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comme nécessaire et obligatoire. Cette contradiction est dans tout, et dans la vie économique, et dans la vie politique, et dans la vie internationale. Comme si nous avions oublié ce que nous savons, et écarté provisoirement ce que nous croyons juste, nous faisons tout le contraire de ce que nous demandent notre raison et notre bon sens.

Nous nous guidons, dans nos rapports économiques, sociaux et internationaux, sur les principes qui étaient bons pour les hommes il y a 3000 et 5000 ans, et qui sont en contradiction directe autant avec notre conscience actuelle qu’avec les conditions de vie dans lesquelles nous nous trouvons aujourd’hui.

L’homme de l’antiquité pouvait vivre tranquillement au milieu d’une organisation sociale où les hommes étaient divisés en maîtres et en esclaves, puisqu’ils croyaient que cette division venait de Dieu et qu’il n’en pouvait être autrement. Mais une division semblable est-elle possible à notre époque ?

L’homme de l’antiquité pouvait estimer comme son droit de jouir des biens de ce monde au détriment des autres hommes, en les faisant souffrir de générations en générations, parce qu’ils croyaient que les hommes appartiennent à diverses origines, nobles ou viles, descendance de Japhet ou de Cham. Non seulement les plus grands sages du monde, les éducateurs de l’humanité, Platon, Aristote, etc., justifiaient l’esclavage et démontraient sa légitimité, mais même, il y a trois siècles, les hommes qui ont décrit la société imaginaire de l’avenir, l’Utopie, ne pouvaient se la représenter sans esclaves. Les hommes de l’antiquité et même du moyen âge croyaient que les hommes ne sont pas égaux, que les véritables hommes étaient seulement les Perses, seulement les Grecs,