Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/381

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conditions inévitables sont toujours dressées devant nous qui suppriment complètement le sens de la vie : 1o la mort, qui peut nous atteindre à chaque instant ; 2o la fragilité de toutes nos œuvres qui disparaissent trop vite et sans laisser de traces. Quoi que nous fassions : que nous fondions des états, que nous construisions des palais et des monuments, que nous composions des poèmes et des chants, tout cela ne reste pas longtemps, tout passe sans laisser de traces. C’est pourquoi, si bien que nous nous le cachions à nous-mêmes, nous ne pouvons pas ne pas voir que le sens de notre vie ne peut résider ni dans notre existence matérielle, soumise à des souffrances inévitables et à la mort, ni dans aucune institution ou organisation sociale.

Qui que tu sois, toi qui lis ces lignes, pense à ta situation et à tes devoirs, non pas à ta situation de propriétaire, négociant, juge, empereur, président, ministre, prêtre, soldat que te font provisoirement les hommes, et non pas aux devoirs imaginaires que cette situation te crée, mais à la situation véritable, éternelle, de l’être qui, par la volonté de Quelqu’un, après toute une éternité de non-existence, est sorti de l’inconscience, et qui peut à chaque instant, par la même volonté, y retourner ; et pense à tes devoirs véritables qui résultent de ta véritable situation d’être, appelé à la vie et doué d’intelligence et d’amour. Fais-tu bien ce que te demande Celui qui t’a envoyé dans le monde et auquel tu retourneras bientôt ? Fais-tu bien ce qu’Il te demande ? Le fais-tu quand, propriétaire, fabricant, tu prends aux pauvres le produit de leur travail, basant ta vie sur cette spoliation, ou, gouvernant, juge, tu violentes les hommes, les condamnes et les fais exécuter, ou, militaire, tu te prépares à la guerre et la fais, pilles et tues ?