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Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/45

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Les théologiens ont admis le Sermon sur la Montagne ainsi que le commandement de la non-résistance au mal par la violence comme des révélations divines. Pourquoi donc, puisqu’ils se sont déjà décidés à discuter mon livre, ne répondent-ils pas avant tout au point principal de l’accusation ? Ils devraient dire franchement s’ils reconnaissent ou ne reconnaissent pas comme obligatoire pour les chrétiens la doctrine du Sermon sur la Montagne et le commandement de la non-résistance au mal par la violence. Au lieu de répondre comme ils le font trop souvent, que, d’une part, on ne peut certes pas nier, mais que, d’autre part, on ne peut certes pas affirmer… d’autant plus que… etc…, ils devraient répondre nettement, comme est posée la question dans mon livre. Le Christ demandait-il réellement à ses disciples de se conformer aux préceptes du Sermon sur la Montagne ? Par conséquent, le chrétien peut-il ou ne peut-il pas participer à la justice, soit comme juge, soit même comme plaignant, ce qui constitue un recours à la force ? Peut-il ou ne peut-il pas, en demeurant chrétien, participer à l’administration, c’est-à-dire employer la force contre ses semblables ? Et enfin — question plus importante et qui, avec le service universel, intéresse tout le monde aujourd’hui — le chrétien peut-il, contrairement à l’indication très nette du Christ, servir dans l’armée et commettre ainsi le meurtre ou s’y préparer ?

Ces questions sont posées clairement et franchement ; elles sembleraient appeler des réponses aussi claires et aussi franches. Mais on ne trouve rien de semblable dans toutes les critiques que mon livre a provoquées, pas plus d’ailleurs que dans toutes celles qui ont répondu aux écrits rappelant les docteurs de l’église aux véritables prescriptions de l’Évangile, écrits dont l’histoire est pleine depuis l’époque de Constantin.