Page:Tolstoï - Qu’est-ce que la religion.djvu/59

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la manie des grandeurs, hardi mais très borné et anormal. Ni par le talent, ni par le fond, ces écrits n’ont aucun droit à l’attention du public ; non seulement du temps de Kant, de Leibnitz, de Hume, mais même il y a cinquante ans de tels écrits non seulement n’auraient pas attiré l’attention, mais même n’auraient pu paraître, et de nos jours, toute l’humanité soi-disant instruite admire le délire de M. Nietzsche, le discute, l’explique et ses œuvres s’insèrent en toutes langues en un très grand nombre d’exemplaires.

Tourgueniev disait très spirituellement qu’il y a des lieux communs inverses souvent employés par des hommes incapables qui désirent attirer à eux l’attention. Tous savent, par exemple, que l’eau mouille, et tout d’un coup, l’homme dit, d’un air sérieux, que l’eau assèche — pas la glace — mais que l’eau assèche. Et cette affirmation prononcée avec éclat attire l’attention.

De même, tout le monde sait que la vertu consiste dans la restriction des passions et l’abnégation de soi-même. Non seulement le Christianisme, contre lequel Nietzsche s’imaginait lutter, sait cela, mais c’est une loi éternelle, supérieure, atteinte par toute l’humanité, par le Brahmanisme, le Bouddhisme, le Confucianisme, l’antique religion persane. Et tout d’un coup, paraît un homme qui se