Page:Tolstoï - Religion et morale.djvu/43

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sance puisque jouir est la vraie destination de l’homme. Ou bien : c’est de servir cette communauté dont tu te considères comme membre, puisque c’est là ta destination. Ou enfin : le sens de ta vie, c’est de servir Dieu, puisque c’est là ta destination.

La morale est comprise dans l’explication que la religion donne de la vie et par conséquent ne peut absolument pas être séparée de la religion. Cette vérité ressort avec une évidence particulière des tentatives faites par des philosophes non chrétiens pour tirer de leur philosophie une doctrine morale supérieure. Ces philosophes voient que la morale chrétienne est indispensable, qu’on ne saurait vivre sans elle ; bien plus, ils voient qu’elle subsista et ils voudraient trouver le moyen de la relier à leur philosophie exclusive du christianisme : ils voudraient même présenter la chose de telle façon que l’on puisse croire que la morale chrétienne sort naturellement de leur philosophie païenne et mondaine. C’est ce qu’ils essaient de faire ; mais ces tentatives démontrent plus clairement que n’importe quoi, non pas seulement l’état d’indépendance, mais aussi l’état de complète contradiction où sont, l’une à l’égard de l’autre, la morale chrétienne et la philosophie mondaine du bien personnel ou de la délivrance de la souffrance personnelle. L’éthique chrétienne, celle qui découle de la conception religieuse que nous avons du monde, exige non seulement