Page:Tolstoï - Religion et morale.djvu/44

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le sacrifice de l’individu à un groupe d’individus, mais même la renonciation à toute individualité ou groupe d’individualités, pour le service de Dieu ; tandis que la philosophie païenne poursuit les moyens d’acquisition du maximum de bien au profit de l’individu ou d’un ensemble d’individus : par conséquent la contradiction est inévitable. Pour la dissimuler il n’est qu’un moyen : échafauder suppositions sur abstractions et ne pas sortir du domaine nuageux de la métaphysique. Depuis la Renaissance, c’est la manière de procéder préférée des philosophes. C’est à ce fait particulier, c’est-à-dire à l’impossibilité de concilier la philosophie fondée sur des bases païennes avec les exigences de la morale chrétienne, dont l’existence antérieure est reconnue, qu’il faut aussi attribuer l’abstraction affreuse, l’obscurité, l’inintelligibilité et la méconnaissance de la vie, caractéristiques de la nouvelle philosophie. À l’exception de Spinoza dont la philosophie, bien qu’on ne le compte pas au nombre des chrétiens, part de principes véritablement chrétiens, à l’exception de Kant, ce génie, qui a construit son éthique sans la faire dépendre de sa métaphysique, tous les autres philosophes, voire même le brillant Schopenhauer, ont évidemment cherché à établir un lien artificiel entre leur éthique et leur métaphysique.

On sent que l’éthique chrétienne est quelque chose