Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/28

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— C’est donc vrai, tu étais tout nu devant la chapelle ?

— Oui, c’est vrai. Il gelait, le froid m’avait déjà engourdi. Alors Sema m’a vu et il a eu pitié de moi. Il a ôté son kaftan pour m’en couvrir. Et comme Sema, tu as eu pitié de ma détresse, et m’as donné de quoi apaiser ma soif et ma faim. Que Dieu vous donne en récompense la félicité éternelle !

Matréma prit la chemise qu’elle venait de rapiécer, ainsi qu’un vieux pantalon, les donna à l’étranger en disant :

— Tiens, frère, mets cela ; tu ne peux pas rester sans chemise. Maintenant choisis l’endroit qui te conviendra pour la nuit. Tu peux prendre la soupente ou le coin du poêle.

L’étranger se coucha sur la soupente, après avoir rendu le kaftan. Matréma, de son côté, souffla la lumière et se coucha auprès de son mari, en se couvrant pauvrement de la moitié du kaftan. La pensée de l’hôte mystérieux ne la laissait point dormir ; elle se disait que le dernier pain était mangé, qu’il n’y en avait pas pour le lendemain, qu’elle avait donné jusqu’à