Page:Tolstoï - Souvenirs.djvu/121

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— Vous voyez quel joli surveillant ! continua grand’mère. Et où est-il, ce menin ? Envoyez-le-moi ici.

— Je lui ai permis de sortir, dit papa.

— Ce n’est pas une raison. Il devrait toujours être là. Ce ne sont pas mes enfants, ce sont les vôtres, et je n’ai pas de conseil à vous donner ; vous avez plus d’esprit que moi ; mais il me semble qu’il serait temps de leur donner un gouverneur, au lieu d’un menin, une espèce de rustre allemand. Oui, un imbécile et un rustre, qui n’est capable de leur rien apprendre, excepté les mauvaises manières et des chansons tyroliennes. Je vous demande un peu s’il est très nécessaire que les enfants sachent chanter des tyroliennes. Du reste, à présent il n’y a plus personne pour s’occuper d’eux et vous pouvez faire ce qu’il vous plaira. »

À présent voulait dire : « Puisqu’ils n’ont plus de mère, » et à présent réveilla des souvenirs tristes dans le cœur de grand’mère. Elle baissa les yeux sur sa tabatière à portrait et devint pensive.

« J’y songeais depuis longtemps, se hâta de dire papa, et je voulais vous demander votre avis, maman. Si nous prenions Saint-Jérôme, qui leur donne en ce moment des leçons au cachet ?

— Tu ferais admirablement, mon ami, dit grand’mère d’une voix radoucie. Saint-Jérôme est un gouverneur, qui sait comment il faut élever des enfants de bonne maison, et non un simple menin, bon seulement à les mener promener.

— Je lui parlerai dès demain, » dit papa.

En effet, deux jours après cette conversation, Karl Ivanovitch cédait sa place à un jeune petit-maître français.


XXVIII

HISTOIRE DE KARL IVANOVITCH


La veille du jour où Karl Ivanovitch devait nous quitter, tard dans la soirée, il était debout auprès de son lit, vêtu