Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/160

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prix obtenir une réponse décisive de Marianna : serait-elle sa femme ou non ? Il était persuadé qu’elle dirait non, mais il espérait pouvoir lui dire ce qu’il sentait et être compris d’elle.

« Pourquoi ne m’avez-vous pas prévenu ? disait Béletsky, j’aurais tout arrangé par Oustinka. Êtes-vous étrange !

— Que faire ? Un jour,… bientôt peut-être, je vous dirai tout, mais, au nom du ciel, faites qu’elle vienne chez Oustinka !

— Mais oui ! c’est très facile. — Eh bien ! Marianna, est-ce au blond que tu te donneras, hein ? pas à Loukachka ? » dit Béletsky, faisant allusion aux paroles de la chanson.

Il s’adressait à Marianna pour sauver les apparences et s’approchait d’Oustinka, à laquelle il chuchota d’amener avec elle sa compagne. Il n’avait pas achevé de parler que les jeunes filles entonnaient une autre chanson et recommençaient la ronde, en se tirant l’une et l’autre par la main :

« Un beau garçon marche derrière le jardin ; il passe la première fois par la rue et fait signe de la main, passe une seconde fois et fait signe de son chapeau, passe une troisième fois et s’arrête : — Je voulais te voir, ma mie, te gronder de ce que tu ne descends pas au jardin ; me méprises-tu, ma mie ? Prends garde ! je t’épouserai et te ferai verser bien des larmes ! »

Loukachka et Nazarka vinrent rompre la ronde et la reprirent avec les jeunes filles. Lucas entra dans le cercle et se mit à chanter d’une voix perçante, en agitant les bras.

« Avancez l’une de vous ! » dit-il.

Les jeunes filles poussaient Marianna, qui refusait d’avancer. On entendait des rires, des tapes, des baisers et des chuchotements.

Lucas, en passant devant Olénine, lui fit un signe de tête amical.

« Tu es aussi venu voir la fête, Mitri Andréitch ! lui dit-il.

— Oui », répondit sèchement Olénine.