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Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/186

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TROISIÈME PARTIE

allemand avait logé son cheval. Tous les carreaux des maisons voisines s’étaient évaporés jusqu’aux châssis…

Cette nuit-là, on descendit dans les caves. Un aviateur anglais et trois officiers français y installèrent des matelas et des fauteuils. Mme Claveaux, frissonnant sous un châle, étreignit ses fillettes, pâles de froid et de terreur. Barnabé, assis dans un coin, regardait brûler la bougie, posée sur un tonneau. Philippe, sur un trépied, fumait une cigarette. Enervé par l’orage qui roulait continûment, il tâchait de deviner où s’abattrait le tonnerre, chaque fois qu’un obus passait en hurlant.

Vers minuit, on sonna. Sylvain, qui s’était endormi, poussa la tête par le soupirail.

— Qui est là ? cria-t-il dans le noir.

On entendit une voix suppliante :

— Vite, monsieur le docteur, deux enfants blessés… En dépit de l’humeur qu’il éprouva d’être appelé dans les rues sous le bombardement, Sylvain n’hésita point à faire son devoir. Il se couvrit les épaules d’une couverture de laine, et, la porte étant bloquée de décombres, se hissa par le soupirail. Ses pas, écrasant du verre, se perdirent aussitôt. Après une heure, où Mme Claveaux désespéra de revoir son mari, il reparut sur le trottoir et, sans perdre un moment, se glissa dans la cave.

— Rien à faire ! dit-il, deux enfants éventrés par un obus. Ils étaient morts, d’ailleurs, quand je suis arrivé.