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TROISIÈME PARTIE

premier mot le vieillard bondirait vers la portière.

Selon sa promesse, le médecin descendit avec lui, laissant Héloir et les dames continuer leur voyage dans la direction de Calais.

Philippe ne se doutait point, en souhaitant bonne chance à Barnabé, qu’il ne le verrait plus en ce monde. Il apprit sa fin, longtemps après, en Angleterre, où il avait rejoint le Dr  Claveaux.

Sylvain lui conta que Barnabé s’était enfui du couvent des bonnes Sœurs, dès le lendemain de son installation. À force de prières et d’argent, un de ses fermiers consentit à le voiturer jusqu’à Ypres. Mais, aux remparts, cheval et paysan, épouvantés par les obus, refusèrent d’entrer dans la ville. Aussi bien Barnabé fut-il, dès la porte, arrêté par les Anglais, qui prétendirent le renvoyer sur l’heure.

Il résista si longtemps qu’on lui permit de visiter sa maison. Grâce à son vin et à la protection d’un capitaine, on lui laissa quelques jours de répit. Une bouteille de champagne lui assura la complaisance des militaires, qui vinrent le prendre pour l’éloigner de la zone de feu. Finalement, on admira son courage ; on lui apporta des victuailles en échange de son vin, dont il se montrait généreux, sachant qu’il n’aurait guère occasion de l’épuiser. D’ailleurs, ces messieurs pouvaient le lui prendre. S’ils ne l’avaient pas pris jusqu’alors, c’est qu’ils en ignoraient l’existence. D’autre part, on protégeait encore la ville contre le pillage et les dégâts des maraudeurs. Il suffisait aux officiers de faire visite à