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Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/191

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L’EXODE

Barnabé pour qu’il s’empressât de leur verser son vieux bourgogne.

C’est pourquoi on le laissa tranquille dans son fauteuil, où il passait le temps à lire et à fumer, en attendant la fin de ces jours de malheur.

Plusieurs semaines s’écoulèrent, sans qu’un obus tombât dans les rues.

Croyant la ville sauve, des gens du peuple y reparurent. S’installant au fond des caves, ils s’ingénièrent à de menus commerces qui leur permettaient de vivre aux dépens du soldat.

Bientôt Barnabé se risqua vers la Place. Impatient de voir l’hôtel de la Châtelainie, le vieillard ne s’arrêta point aux ruines qu’il rencontra le long du chemin. Hélas ! le local du Cercle avait horriblement souffert ; mais la salle de lecture était encore debout. L’escalier, enseveli sous un mur écroulé, ne montrait qu’un palier réduit à ses arêtes.

Péniblement, Barnabé gravit les décombres et parvint à la balustrade où, s’appuyant, il vit que la plupart des maisons avaient perdu leur toiture et que sa pauvre ville ressemblait aux gâteaux de cire d’une ruche d’abeilles, dont les fragments épars traînaient, abandonnés sous le ciel gris.

Des bâtisses montraient à nu leur ameublement, pareil au décor d’un théâtre où manquaient les acteurs ; d’autres s’alignaient comme des rangées de squelettes, et l’on apercevait, entre leurs côtes béantes, grouiller une vermine de soldats.