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QUATRIÈME PARTIE

Bruxelles vous m’assuriez que la guerre n’éclaterait pas.

— C’est possible, mon cher, la politique n’est pas ma spécialité. Mais, si j’étais premier ministre, je me tiendrais coupable, et je mériterais au moins des coups de bâton. Car, enfin, gouverner c’est prévoir. Or, ces gens-là n’ont rien prévu.

— Bah ! dit Philippe, tout le monde prévoyait la guerre ; personne, malheureusement, n’y croyait. J’y croyais moins que les autres.

Élargissant le débat, il donna cours à sa mauvaise humeur, en condamnant la politique universelle.

— Il y a un moment, vous parliez d’usines. J’admets que l’usine allemande est un bagne. On y cravache les forçats en pleine figure, on les envoie piller, incendier la fabrique du voisin. L’Allemagne est pire que les autres pays. Ailleurs, on est moins esclave, j’en conviens, mais toute notre civilisation est fondée sur l’égoïsme et ses dérivés ! La guerre est l’aboutissement logique de tout cela. Et tant que l’humanité restera ce qu’elle est, un grouillement d’animaux prédateurs où la concurrence est sans pitié et la lutte sans merci, la guerre continuera de dévaster le monde.

Sylvain, amusé de cette tirade, fit remarquer le peu d’espoir qu’il avait de modifier la nature de l’homme.

Philippe repartit qu’on pouvait au moins modifier les conditions économiques, au point de leur faire produire la paix, la collaboration et l’entente universelle,