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L’EXODE

aussi logiquement que les conditions anciennes avaient produit la guerre et la concurrence des individus.

— Ou bien la civilisation périra, ou elle se fondera sur l’altruisme. Il n’y a pas à sortir de là : coopération au lieu de concurrence ; sinon, après cette guerre, il faudra préparer la suivante.

— Qui sait ? objecta Philippe, la guerre amènera de telles souffrances que ces millions d’indifférents sentiront, dans la misère et la faim, le besoin de cette universelle entente, qui n’était que le rêve de quelques utopistes. Et quand les ruines de l’ancien monde leur seront tombées sur le dos, ils comprendront qu’il faut le rebâtir sur des fondations nouvelles.

— Je ne vous savais pas socialiste, dit M. Van Weert, vaguement inquiet de ces déclarations.

— Oh ! soupira Philippe, je m’inquiète peu des mots ; qu’importent les distinctions politiques, pourvu qu’on soit humain !

S’étant soulagé de la sorte, il parla d’autre chose ; et, comme on n’affichait aucune dépêche de la guerre, il proposa de se promener à Sandgate road.

C’était l’heure où, dans les magasins, les femmes belges soupiraient et s’agitaient à surmonter les petites misères de leur exil. Parfois, les voyant montrer du doigt les marchandises qu’elles ne pouvaient nommer, Philippe ou le Dr Claveaux entraient s’offrir comme interprète. Puis ils continuaient leur promenade, cherchant un ami, un visage de connaissance, quelque nouveau venu qui apportât des nouvelles du pays. On