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Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/258

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QUATRIÈME PARTIE

on coupait un shelling en douze morceaux, mais ce loyer, on le payait en pièces d’or, avec des soupirs et le regret de ce bel argent si difficile à retrouver !

— D’autre part, ajouta-t-elle, madame Van Weert pourrait m’aider… car je n’ai pas un moment de repos.

Bien qu’elle eût passé la quarantaine, Mme Van Weert donnait l’impression d’avoir toujours vingt ans. Animée, bavarde, insouciante, elle plaisait par un caractère facile et une indulgence universelle, qui commandait la sympathie. Ni bien ni mal, sans prétentions à l’élégance, elle n’avait souci que d’être heureuse et de contribuer à votre bonheur.

Aussi généreuse qu’imprévoyante, elle était toujours prête à vous rendre ou à vous demander service. Il fallait que M. Van Weert prît garde à cette générosité. C’est pourquoi il tenait les comptes du ménage, et les tenait strictement. Sa femme lui en savait gré, encore qu’il fût assez avare ; heureusement, elle s’inquiétait moins de dépenser à sa toilette que de briller dans la conversation.

C’était sa faiblesse : elle aimait à s’entendre parler. Tout en se plaignant des embarras de l’exil, elle soignait sa diction, faisait un sort à l’e muet, aux redoublements de consonnes, et elle s’excitait, comme les canaris en cage, au bruit joyeux de ses propres chansons.

Après une heure de ses roulades, on se prenait le front dans les mains. Cependant, Mme Van Weert