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Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/264

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QUATRIÈME PARTIE

dront les vieux ? Va-t-on les entretenir jusqu’à la fin de la guerre ?… Trois ans !… Bon Dieu !… C’est impossible !

— Mon cher Philippe, dit M. Van Weert, dont la voix chevrotante prit un accent pathétique, ne vous excitez pas ! Si nous partons, c’est pour vous préparer le chemin. Une fois sur place, nous verrons à vous trouver une situation convenable. Claveaux déjà s’en occupe. Pour ma part, je compte vous donner un coup d’épaule… Qui sait ?… Peut-être monsieur Robinson consentira-t-il à m’avancer des capitaux ? Nous pourrions lancer une affaire. Dès lors, vous pensez bien que je ne vous oublierai pas !

Le lendemain, ravis de l’aubaine qui leur tombait du ciel, les Van Weert firent leurs adieux à la famille Héloir.

Quand la porte se ferma, Philippe dit à sa femme :

— Cette fois, il n’y a plus à hésiter. Il faut que j’aille aujourd’hui même chez les Grassoux.

L’après-midi, vers deux heures, il sonna donc à la maison de l’industriel, située dans le quartier riche, parmi des arbres et des jardins. Il neigeait, tout était silencieux et immobile. Ici ne parvenait point l’agitation des réfugiés. Un policeman secouait son caban au coin de la grille d’un parc solitaire. Dans la rue, on n’entendait que le bruit des bidons qu’un laitier déposait sur les seuils des villas. Un cheval baissait la tête — un cheval blanc, dont le poil semblait jaune et sale au milieu de la neige immaculée.