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Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/52

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PREMIÈRE PARTIE

Elle arrêta sur lui un regard plein de feu :

— Il en faut plus pour vivre ainsi.

— Croyez-vous ?… Si je m’écoutais, je pourrais, tout comme un autre, dévoyer une jolie fille… c’est-à-dire promettre beaucoup, tenir peu et, le jour de l’échéance, proposer une dose de morphine dans une chambre d’hôtel.

— Oh !… Elle vous fait donc bien peur, la morphine ?

— Pas le moins du monde. Je n’en prendrais pas. C’est un trop pauvre moyen de se tirer du bourbier où l’on s’est laissé choir.

Elle baissa le front, les mains appuyées sur la pierre brûlante du mur. L’ombre de son chapeau lui barrait la poitrine, et elle remuait nerveusement le museau pointu de son soulier gris.

— Il reste un autre moyen… continua Philippe. Lucienne releva la tête.

— … L’hypocrisie courante : mentir, tromper, se cacher derrière les portes, s’enfermer dans un placard… Mais tout le monde n’a pas la vocation du vaudeville… Je préfère encore le mélodrame, à la manière de votre Anglais.

Sans oser franchir la réserve qui les retenait dans les allusions et les généralités, ils savaient l’un et l’autre, en parlant ainsi, que c’était par une convention tacite. Elle cachait, d’ailleurs, si peu leurs sentiments que Philippe eut envie de la rejeter. Il reprit, néanmoins, les termes vagues :

— Si vous saviez, soupira-t-il, ce qu’il m’a fallu de