Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
73
DEUXIÈME PARTIE

parlait finance ex-professo, car la science ésotérique ne le détournait point d’arrondir sa fortune :

— Mon cher, vous avez tort. Il est prouvé, depuis longtemps, qu’une guerre en Europe est financièrement impossible. C’est l’opinion de la haute banque ; c’est aussi la mienne… Rassurez-vous donc, tout s’arrangera.

Lorsqu’ils se quittèrent, Philippe retourna chez lui. Les prédictions de M. Van Weert lui donnaient à songer. Bien qu’il n’eût point confiance dans la perspicacité de l’esthète, il méditait sur l’opinion de la haute banque, soutenue par les journaux financiers.

Et l’écrivain tâchait d’y trouver une raison d’espérance. Il avait tant besoin d’espérer ! Comment écrire de l’amour futur, de cet idéal confus qu’il voyait au bout de l’altruisme, si la réalité se ruait à travers son rêve, et si l’égoïsme collectif y trouait son chemin à coups de canons ?

Le soir, quand il rapporta à Marthe les paroles de M. Van Weert, elle n’y donna qu’une attention distraite. Elle préparait les bagages pour la mer.

En compagnie de Lysette, elle décidait de la robe à mettre, du chapeau à choisir, et, dans un désordre de linge étalé, elle s’agitait à prévoir le nécessaire, à écarter le superflu, à réserver dans les malles une petite place aux livres de son mari. La guerre ?… C’était si loin, si vague… Son imagination ne s’y retenait qu’avec peine. Depuis si longtemps, elle bornait sa vie aux murs intimes de sa maison !…